Danny le magicien

Elle m'a regardé une dernière fois. Juste une dernière fois avant que je crève.

Tout a commencé par une journée de merde. Ces journées où vous ne savez plus quoi faire, parce que vous savez qu'à chaque pas que vous faites, qu'à chaque gestes que vous entreprenez, vous allez subir le couroux de la malchance. Je suis sûr que vous savez de quoi je parle. Tout le monde a connu ça au moins un jour de sa vie de mort-né. Le fait est que je n'ai jamais eu trop de chance dans ma putin de vie. J'en ai connu des vertes et des pas mûres, comme dirait l'autre. Mais il y'a toujours un cap à passer. A partir de là, on ne recule devant rien pour arriver à vivre. Il était bien dix heure du soir quand elle est venu me trouver. Elle a sonné que trois fois, mais j'ai eu l'impression qu'elle avait sonné dix mille fois dans ma saleté de tête. Un mal de crane comme vous pouvez pas savoir. Un verre de plus et je me retrouvai le cul par terre. Mais je connais mes limites, et le fait est que ce soir-là, j'étais bien sonné, mais j'avais pas perdu toute ma tête. J'ai bien vu qu'elle avait une sacrée balafre sur la tronche, la petite.

"Qu'est-ce qui t'arrive encore, chéri? lui lançai-je la bouche pâteuse.

 - Ils... Ils sont toujours là, Danny, m'annonça Malicia d'une voix timide. Ils en n'ont pas encore fini."

Ils n'en auraient donc jamais assez, ces enculés. J'avais juré que je leur ferai la peau s'ils mettaient encore les pieds dans le bar. Apparemment, ils ne connaissaient pas la parole d'un vieux beau gosse comme moi. Avec les filles, faut savoir mentir, mais avec les mecs, je tenais toujours ma parole. Ces fils de pute allaient payer.

J'attrapai mon beretta et vérifiai que mes chargeurs étaient toujours dans ma vieille veste. J'avais rien de mieux à me mettre sous la dent, mais ça suffirai pour m'occuper d'un connard dans son genre. J'avais jamais senti ce type. Toujours fourré dans des affaires pas claires. C'est seulement quand il s'est fourré dans MES affaires pas claires que ça a mal tourné pour lui. J'esperai qu'il s'en mordait les doigts.

J'avalai un morceau avec un doigt de vodka tout en proposant à Malicia de prendre quelquechose. Elle prit un café bien serré, tandis que je la bouffais des yeux. J'avais repris tout mes esprits à présent. Et même si cinquante camions semblaient faire une course effrenée dans ma tête, j'arrivai encore à tenir une discussion banale. Une de celles qu'on tient encore pour se persuader qu'on a toujours une vie normale. Une de celles où la météorologie tient le monopole. Mais, j'en avais rien à foutre qu'il pleuve des cordes, du blé ou encore des joints tout bien roulés. Tout ce que je voulais, c'était faire semblant d'être marié avec une gonzesse, juste pour quelques minutes. Ensuite, tout redeviendrai comme avant. La clope au bec et le flingue à la main. Le sang qui coule sur le troitoir et le mendiant qui croit rêver. J'aime pas buter les mendiants. Ils ont rien fait ces cons là. Juste au mauvais endroit au mauvais moment. Mais comme disait ma mère : "Tout le monde meurt un jour."

Je savais bien qu'elle allait pas pleurer. Mais ça me faisait mal. A tel point que ça me donnait envie de la baffer. Qu'est-ce qu'un homme qui ne pleure plus? Je lui ai tendu une trousse de pharmacie qui datait bien de la cinquième guerre. Je l'ai fait monté dans la bagnole, lui disant qu'elle se referrai une beauté plus tard. J'avais presque honte de la trouver plus belle avec du sang sur ses bouclettes. Je mis la clef sur le contact. Elle monta à bord, s'asseyant à mes côtés. Je regardai le compteur. Presque plus d'essence. Assez je le pensais pour arriver jusque là-bas. Je démarrai la Helmerson et j'eus juste le temps de voir le gars dans le retroviseur. Un vrai gentleman de mes fesses, ce McNiller. Il a tiré, mais a du confondre mon reflet avec la réalité. J'étais bien plus beau en vrai. La vitre du rétroviseur éclata, je me retournai et vis McNiller courir après mon bolide. Mais aucune chance de rattraper un engin qui passe du 0 au 100 en quelques secondes. Malicia avait prit peur. Je l'avais cru plus forte.

" - Du calme bébé, tout va bien, la rassurai-je en prenant une voix plus doucereuse que d'ordinaire"

Elle avait déjà sorti son miroir pour soigner sa mauvaise plaie. Sa main tremblait.

"Si McNiller est dans le coup, repris-je d'une voix plus rauque -- à vrai dire MA voix rauque --, c'est que ça devient du sérieux leur histoire. La dernière fois qu'ils ont lachés le petit, c'était pour l'affaire du NewYork Tribune. Qu'est-ce qu'ils t'ont dit?

 - Pas grand chose, me répondit-elle concentrée sur le traitement de sa blessure. Des affaires sales, comme d'hab'. J'ai cru entendre parler d'argent. Une grosse somme apparemment."

Son visage se contracta. Elle venait de passer je ne sais quel produit sur sa plaie encore sanguinolante. Elle finit par lancer, avant de soupirer tristement :

" - L'argent dirige ce monde, hein?

 -  Si seulement c'était aussi simple."

Nous étions arrivé. Le Noisy était un vieux bar miteux aux confins de la ville, seulement fréquenté par des truands et des fouteurs de merde. Je sorti de la voiture et claquait la porte. Malicia me suivit jusqu'à l'entrée. Un gros loubard me toisa du regard. Comme tout le monde, il était étonné de voir un type si bien sappé. J'aimai porter le costard-cravatte. Quitte à faire le mort, autant en porter l'habit, me disais-je. Mais je n'oubliais jamais mon haut-de-forme.

Le portier avait une bonne tête. Il me reconnut et j'entrai avec la petite. Un groupe punk était en train de se fatiguer sur la petite scène, tandis qu'à travers la pièce enfumée on apercevait des saoulards accoudés au bar, des malins jouant du billard devant des minettes et deux gamins jouant au flipper tout près de l'entrée. Ca aurait pu sentir cruellement mauvais si l'odeur de cigarette n'avait pas englobé le tout dans un ensemble nauséabond et pourtant supportable. On subit les regards de plusieurs mecs. Il était sûr qu'une nana comme Malicia et un mec en habit du dimanche, ça ne pouvait pas passer inaperçu.

Et en effet, il ne fallu pas énormément de temps à Valero et ses accolytes pour nous repérer. Juste le temps de commander deux whiskys, à vrai dire. Malicia était inquiète, et il y'avait de quoi. J'avais sous-estimé les moyens que Valero pourraient déployer pour une affaire comme celle-ci. Mais j'étais heureux de lui coûter cher à ce fils de pute. Et il n'avait encore rien vu.

Je dégainai mon beretta. Comme je m'y attendais, tous les gars de Valero sortirent leur arme. Mais j'avais déjà tiré, et quand ils se mirent tous à tirer dans la même direction, j'étais déjà derrière le comptoir. Malicia me rejoignit, paniquée.

"T'inquiètes pas, poupée, lui lançai-je en repérant la carabine disposée sous le comptoir, papa Dan va tout arranger"

Je pris la carabine et me levai. Je tirai sur tout ce qui bougeait, supposant que seuls les mercenaires de Valero étaient dans mon champ de tir. A vue d'oeil, il me semblait en avoir buté cinq ou six. Je tendis le beretta à Malicia. Après tout, elle avait été mercenaire elle aussi, elle savait se débrouiller. Même si elle avait presque réussi à redevenir une femme normale... C'est comme si Dieu voulait qu'on ne meurt jamais, comme si nous étions ses éternels dans ce monde de morts-vivants. Je vit réapparaître sa flamme de tueuse dans son oeil droit quand elle prit mon flingue. Elle tira et je l'entendit crier comme jamais je n'avais entendu une femme crier, même dans mes rêves érotiques les plus tordus.

" - J'en ai eu deux je crois, me cria-t-elle,"

Et je me relevai pour en tuer deux autres. Il ne devait plus y'en avoir beaucoup. C'est ce que je pensais, en tout cas. J'étais trop préoccupé par la santé de la petite que j'en avais oublié mes propres fesses. Le fusil d'un flingue était posé sur ma tempe. Un geste de plus et j'étais mort. Mais j'étais loin d'avoir perdu mes reflexes. Je dégageai l'arme et lui foutait mon poing dans la tronche, à ce McNiller de mes couilles. Il dû bien sentir le coup, parce que je l'ai plus entendu pendant que Malicia me criai qu'elle avait eu encore trois types. Et en effet, McNiller était étendu dans de la bierre blonde, sa belle face souillé par des bouts de verre. Je récuperai son arme, un M686 de chez Smith & Wesson. J'entendai encore des coups de feu mais je ne savais pas si c'était Malicia qui tirait comme une folle ou si il y'avait encore des gars de Valero qui demandaient encore des plombs. Je me levai à nouveau, la carabine dans une main et le M686 dans l'autre. La petite venait d'en dégommer un, tandis que je flinguais les trois restants. Je reservai une dernière balle pour ce sac à merde de McNiller. En plein dans les couilles comme pour lui dire qu'on casse pas les noix à Dan le magicien.

"C'est bon, dit-elle épuisée en posant mon beretta sur le comptoir complètement démoli, on en a enfin fini avec ces conneries.

 - J'crois pas, non, répondis-je en lachant la carabine. On a foutu un sacré bordel. C'est une chance que j'ai pas eu envie de finir McNiller, sinon on serai vraiment dans la merde."

A ce moment, j'ai su qu'on était foutu. McNiller se releva et sortit de je ne sais où un putin de M21 qui me défouraillai le bras. J'avais parfois des reflexes cons, mais il fallait pas m'emmerder. Je récuperai le beretta et lui tirai le reste du chargeur en visant le coeur. Cet enfoiré m'avait pas raté. Mais c'était pas ce qui m'inquiétais à ce moment. J'avais fait la connerie à ne pas faire. Tuer McNiller, c'était comme tuer le fils de Dieu. Quelle journée de merde!

 

PDF/Ebook, pourquoi tant de haine ?

Moi et les livres numériques

Je suis un grand utilisateur de livres numériques. Et ce, pour plusieurs raisons :

- Parce que j'ai peu d'argent à consacrer à des dépenses de loisirs, ce qui fait que je dois sélectionner avec parcimonie mes achats culturels. Quand on achète un livre de jeu de rôle, on achète aussi son impression et sa distribution, ce qui rend le livre papier logiquement plus cher.
- Parce que je joue beaucoup en table virtuelle, c'est à dire en vocal sur internet, accompagné d'outils de table virtuelle comme Roll20 et Realtimeboard, sur lesquels il est bien pratique de pouvoir copier-coller des informations depuis un PDF plutôt que de recopier tout à la main.
- Parce que j'habite dans un petit studio, que je n'ai pas de bibliothèque et que la plupart de mes gros livres de jeu de rôle se retrouvent vite dans des cartons, difficilement accessibles.
- Parce que j'ai pris l'habitude de la lecture sur écran et qu'elle m'ait devenue plus confortable que la lecture sur papier.

Malgré tout ça, j'apprécie le livre papier et j'en possède quelques uns quand j'ai les moyens et la motivation de m'en offrir. Mais ce n'est clairement pas mon accès privilégié aux règles de jeu de rôle.

Ma frustration de rôliste alternatif

Depuis que je m'intéresse à la scène alternative, j'ai voulu naturellement me procurer les jeux emblématiques de cette scène, que ce soit les classiques de l'époque de The Forge, ou bien les jeux francophones de l'époque des Ateliers Imaginaires. Malheureusement, un certain nombre de jeux m'était simplement inaccessible à cause de leur prix et... l'absence de livre numérique.

La frustration s'est amplifiée après la fermeture de La Boîte Heuhhh, éditeur qui avait traduit des titres emblématiques issus des théories forgiennes comme le Bliss Stage de Ben Lehman, le Monsterhearts d'Avery Alder ou encore le (maintenant) fameux Apocalypse World de Vincent Baker. Je n'avais pas eu la possibilité de me les procurer et après l'arrêt de l'activité de la Boîte à Heuhhh, il était désormais impossible de récupérer les jeux, à part quelques stocks restants ici et là récupérés par Black Book jusqu'à l'épuisement total. En l'absence de repreneur, et de PDFs, ces jeux sont donc devenus indisponibles, paralysant l'accès à ces classiques au public francophone. Il aura fallu attendre ces dernières années pour qu'Apocalypse World et ses dérivés les PbtA (Powered by the Apocalypse) créent un engouement jusque chez les éditeurs actuels comme Deadcrows (Monster of the Week), Edge (Night Witches) ou encore Monsterhearts 2, Apocalypse World 2 (prévu à priori chez Lapin Marteau dans un avenir incertain).

En parallèle, l'absence de livres numériques dans la production atypique de Romaric Briand, m'a fait également passé à côté de certains titres qui m'intéressait comme Sens, Le Val, le Maëlstrom et plus récemment, la pré-commande de Vade+Mecum.

Cette question de l'absence de commercialisation de versions en livres numériques me taraude donc depuis un moment et me donne sincèrement envie de comprendre. J'ai bien conscience qu'il y a des arguments légitimes en défaveur du livre numérique et je me dois de respecter les choix éditoriaux des autrice/auteur comme des éditrices/éditeurs. Cependant, j'aimerai amener cette réflexion sur le devant de la scène, afin de comprendre quels sont les enjeux derrière la production de livres numériques, quels sont les outils qui peuvent être mis en place pour favoriser leur production et améliorer leur qualité.

Dans cette optique, je vous sollicite afin de recueillir de la documentation concernant les livres numériques de jeu de rôle. Que ce soit des témoignages d'utilisation, des données chiffrées, votre retour d'expérience d'autrice/auteur ou éditrice/éditeur, des arguments en faveur ou en défaveur... Tout ce qui vous paraît pertinent sur cette question et qui peut permettre de construire une réflexion avancée.

En fonction de ce que j'amasserai comme informations, j'envisage d'en faire un article, un podcast ou une vidéo. Merci d'avance pour votre aide !

 

Lyrics Story - imreallytiredthisdaysucks (Boy Pablo)

Je n'en parle que très rarement, mais je suis mélomane. J'écoute beaucoup de musique, par albums entier. Et un truc que j'adore faire, c'est apprendre et comprendre les paroles des chansons. Depuis longtemps, j'avais envie de vous partager des paroles de chansons plus ou moins connues, histoire de voir ce que ça raconte et ce que ça m'évoque. Je précise que je suis loin d'être traducteur, donc ce sont des traductions approximatives et que par ailleurs je m'intéresse davantage à ce que ça m'évoque subjectivement, y compris avec mes erreurs de compréhension.

J'ai décidé de commencer doucement avec une track qui m'a fait rire quand j'ai écouté les paroles la première fois. Il s'agit de "imreallytiredthisdaysucks" (littéralement "jesuisvraimentfatiguécettejournéecraint"), de l'excellent groupe Boy Pablo. Je vous invite à l'écouter, lire les paroles et ma traduction :

"I'm really tired today
Can't open my eyes, but I'm awake
Smashed a guitar into the ground
It slipped through my hands
This day sucks just a bit
I'm really tired today
This day sucks
It sucks just a bit"
"Je suis vraiment fatigué aujourd'hui
Peut pas ouvrir mes yeux, mais je suis réveillé
Explosé une guitare sur le sol
Elle a glissé de mes mains
Cette journée craint, juste un peu
Je suis vraiment fatigué aujourd'hui
Cette journée craint
Elle craint, juste un peu"

Cette track me rappelle la Lazy Song de Bruno Mars. Si cette dernière parlait d'une journée cool à rien foutre, celle de Boy Pablo m'évoque ces journées de merde où on s'est levé du mauvais pied, qu'on n'arrive pas à se réveiller complètement et où tout semble aller de travers. Et en même temps, c'est pas si terrible. "This day sucks. Just a bit" (Cette journée craint, juste un peu)

C'est tout pour cette première. Je n'avais pas tellement de choses à dire à part vous partager cette drôle de petite chanson de moins de 2min. J'élaborerai certainement plus sur une prochaine track. En attendant, prenez soin de vous, écoutez de la zik et écoutez les paroles!

 

Happy Together

I’d like to play a game, with you.
We would be different, in another place.
But our mind would be connected. Avatars.

I would feel the warmth of the sun on my skin.
You would taste the reed of your saxophone
I would ear the other musicians tuning their instruments
You would smell the dust floating in the air

It’s a game about life. Our everyday life.
How we hope. How we dream.
How we doubt. How we’re lost, sometimes.

You got this feeling you’re destined to do something grand.
I never really found something like this. I just followed my path.
I don’t know if it’s enough, or if it’s too much to handle.
This is probably just the ups and downs.

You always sheer me up when I need it
I should have never let you down.
I remember the days where we barely knew each other
Now that they are gone you’re far more than that.
I’m so glad we could share these moments
And that, eventually, we found a way to be
happy together.

French

J'aimerai faire un jeu, avec toi.
On serait différent, dans un autre lieu.
Mais nos esprits seraient connectés. Des avatars.

Je sentirai la chaleur du soleil sur ma peau
Tu aurais le goût de la anche de ton saxophone sur ta langue
J'entendrai les autres musiciens accorder leurs instruments
Tu sentirai la poussière qui flotte dans l'air

C’est un jeu qui parle de la vie. De notre vie quotidienne.
Comment on espère. Comment on rêve.
Comment on doute. Comment on se perd parfois.

Tu as le sentiment d’être destiné à quelque chose de plus grand.
Je n’ai jamais trouvé quelque chose de ce genre. Je ne fais que suivre mon chemin.
Je ne sais pas si c’est suffisant, ou si c’est trop dur à gérer.
Ce ne sont probablement que des hauts et des bas.

Tu me remontes toujours le moral quand j’en ai besoin.
Je n’aurais jamais dû te laisser tomber.
Je me souviens du temps où on se connaissait à peine.
Depuis qu’ils sont partis, tu es bien plus que ça.
Je suis tellement contente qu’on puisse partager ces moments.
Et finalement, qu’on ait trouvé un moyen d’être
heureux ensemble.

The girl LIVING in my mind

Un nuage formait un arc dans le ciel qui sombrait. A travers la fenêtre, la cheminée sur un toit se dessinait en ombre chinoise. Une brise chaude. Une musique apaisante. Un sourire solitaire.

"Alison ?
- Je suis là
- Est-ce que c'est si important que tu sois réelle ?
- Je ne sais pas"

Dans l'autre monde, la brume avançait. Sa ville, Victoria, en proie à des menaces surnaturelles. Et moi, en proie aux doutes. Ça semblait si ridicule. Soit j'avais de sérieux problèmes psychologiques, ou bien je cohabitait réellement avec une sorcière. Ça expliquait à la fois tout, et rien. Si on ne réveille jamais, comment savoir que l'on est dans un rêve ? J'ai toujours senti d'une certaine manière que je vivais avec quelqu'un d'autre dans ma tête. J'ai toujours eu besoin d'elle.

"Qu'est-ce qui cloche chez moi ?
- Tu es épris de liberté, au point de ne plus vouloir t'engager
- C'est si évident ?
- Je suis dans ta tête, souviens-toi
- Je n'ai pas peur d'être seul. Surtout si je peux vivre dans mes mondes
- Tu risques de t'y perdre
- Peut-être que c'est ce que j'espère
- Je n'y crois pas. Il doit bien rester des choses qui comptent pour toi dans ton monde?
- Plus que je ne veux l'admettre"

Chaque fois que j'essayais de m'accrocher à l'imaginaire, il y'avait toujours quelque chose d'insaisissable. Les images glissaient entre mes doigts. Elles étaient autant d'éphémères que je n'ai jamais su garder intact. Des dégénérescences abstraites.

" J'aime tellement les couleurs du silence
- Saisir les abstractions, c'est toute ta force, tu devrais en être fier. C'est ta voix!
- J'ai beaucoup de mal à parler, alors.
- Alors chante!"

Je sentais des larmes monter. Il y avait tant de choses que je voulais exprimer. Tant de chose que je voulais rendre réelles. Mais elles restaient irrémédiablement enfouies dans mon chaos, et elle, elle baignait dedans, ma nageuse. Mon exploratrice des fonds imaginaires. Que j'aurais aimé plonger avec elle.

L'Eternel Jeu

"Je n'étais qu'un petit garçon, 
J'étais tout seul à la maison. 
Mes parents, pour un soir, 
Étaient allés voir un opéra. 
J'en avais pour un bon moment : 
Ça n'arrivait pas si souvent. 
C'était comme une trêve, 
C'était comme un rêve, comme l'opéra. 
J'étais dans un château fort, 
J'avais une épée en or. 
Je me battais comme un fou par amour pour vous. 
Je me battais comme un roi par amour pour toi. 

Je n'étais qu'un petit garçon, 
Mes paroles étaient des chansons. 
Il n'y avait ni tambour
Ni baryton pour mon opéra, 
Mais dans mon imagination
Il y avait dix mille violons
Qui jouaient ma victoire, 
Faisaient de ma gloire un opéra. 

J'étais dans un château fort, 
J'avais une épée en or. 
Je me battais comme un fou, rendant coup sur coup. 
Je me prenais pour un roi par amour pour toi. 

Et devant l'enfant que j'étais
Toute la maison devenait
Une scène, un décor, 
Et c'était alors mon opéra. 
Je m'endormais sur les trois coups
Qui n'étaient peut-être, après tout, 
Qu'un volet qui battait
Quand ils revenaient de l'opéra. 
Mais j'étais dans mon château fort, 
Et j'avais mon épée en or. 
Je me battais comme un fou par amour pour vous. 
Je me battais comme un roi par amour pour toi." (L'Opéra - Yves Duteil)

Elle était princesse de Perse, fuyant l'autorité suprême de son père. Elle pris le large à bord d'un navire, prenant l'apparence d'un homme. Elle mena une mutinerie et devint capitaine. Sa soif d'aventure n'ayant plus de limite, elle ordonna qu'on mette le cap vers Londres. Elle s'appelait Nassim et son équipage la surnommait "La maline".

Il était d'une famille noble et riche mais cela ne fit aucune distinction lorsque ses parents moururent. Il fut recueilli au sein de la famille royale d'Angleterre afin d'être un héritier de façade, avant qu'un fils légitime soit conçu. Ses études en sciences et sa fascination pour l'occulte lui valait d'être régulièrement consulté par le lieutenant Coltridge. Si seulement celui-ci ne passait pas son temps à faire des expériences mystiques en ingérant des substances toutes plus dangereuses que les autres ! Il s'appelait Lawrence K. Burrows, mais dans la police il était surnommé "The Fool".

***

Il y avait un brouillard épais cette nuit là, si bien qu'on n'y voyait pas à plus de dix mètres devant soi. Elle m'a dit qu'elle voulait faire un jeu de rôle. Il faut dire que l'ambiance s'y prêtait bien, nous étions tout deux costumés et avinés. Nous avons imaginé nos personnages respectifs. La princess de Perse pirate et le détective de l'occulte addict à l'opium. J'avais envie de le jouer complètement. J'avais repéré un débarras dans le château. J'ai pris une bougie dont la cire coulait sur ma main, et un revolver. J'étais Lawrence et ceci était ma demeure.

***

Lawrence était ailleurs, les vapeurs d'opium et d'autres substances chimiques dans l'air. Ses froques étaient lamentables et une odeur pestilentielle englobait l'appartement miteux. Nassim arriva alors que Lawrence braquait son revolver contre sa propre tempe.

"Qu'est-ce que vous fichez ?
_ Je veux mourir ! Laissez moi tranquille !
- Pourquoi mourir?
- Je ne sais pas... Pourquoi pas ?
- Vous ne pouvez pas mourir, j'ai besoin de vous! On m'a dit que vous étiez spécialiste des affaires mystiques. Je sais que vous avez perdu vos parents quand vous étiez enfant, massacré par des créatures de l'ombre
- Et qu'est-ce que ça peut bien faire ?
- Ecoutez, je peux vous payer. Une affaire urgente requiert mon attention. Et la vôtre à présent.
- Et que ferais-je de votre argent ?
- ... De quoi continuer vos... expériences.
- Je veux faire l'expérience de la mort!
- Faites d'abord l'expérience de la vie, monsieur Burrows. Allez, levez-vous!"

***

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours joué à faire semblant. Créer des histoires, ce n'est pas une échappatoire, c'est tout à la fois un rêve et une réalité présente. Nous avions six ans et déjà nous jouions dans ce manoir, chaque pièce devenant le décor de nos aventures. Aujourd'hui je ne me rappelle plus à quoi ressemblait le manoir, mais j'ai en tête les décors de nos histoires. Je cours après cet éternel jeu, encore et encore. Je cours après cette éternelle figure féminine. Ma sorcière.

***

 Elle tient à peine debout. Je l'aide par moment, mais je ne suis pas très stable non plus. Nous marchons le long de l'allée embrumée du château. Ma mémoire aussi est embrumée. Je me souviens d'une discussion étrange, philosophique, presque mystique.

"Je n'aime pas les réponses, ai-je dit. Chaque fois que l'on répond à une question, une floppée d'autres surgissent. Les réponses sont futiles, seules les questions comptent
- Je crois que nous avons tous une raison de vivre dans ce monde, m'a-t-elle répondu. Toi ce sont tes jeux et moi c'est la musique."

Elle a dit mes jeux. Mes jeux. Je ne peux m'empêcher de relever la polysémie. Elle parle de mes jeux de rôle. Mais moi je pense à mes jeux au sens large : mes créations, mes histoires. Ces sphères abstraites. Ça ne peut être une coïncidence.
Et puis elle fait glisser ses lèvres doucement vers les miennes.

***

Le roi de perse est mort, assassiné. Mais pourquoi ? Et comment ? Personne n'a pu rentrer. Lawrence réclame son piège à perception, seule façon de détecter la présence du surnaturel selon lui. Seul des fantômes pourraient parvenir à un tel exploit. Mais il y a peut être une explication tout à fait rationnelle.
Le soir, sur le pont principal du navire, Nassim pleure la mort de son père. Touché, Lawrence la prend dans ses bras. Elle chancelle. Le voyage est long, bien trop long. Elle ne supportait pas son attitude désinvolte et lui son aplomb et sa jeunesse.
Et puis elle fait glisser ses lèvres doucement vers les siennes.

***

Elle ne se souviens peut être de rien et ce n'était certainement rien après tout, seulement un rêve éveillé. Mais j'ai appris quelque chose cette nuit. Je joue toujours le même jeu, celui qui reste gravé dans ce manoir. Je cherche cette parfaite synchronisation entre le rêve et la réalité, quand il n'est plus possible de faire la différence. Tout comme lorsqu'on s'éveille d'un sommeil plein de chimères qui semblent encore danser dans notre mémoire pendant un instant.

Je veux poursuivre mon jeu éternel.

Christmas Everyday

When I was a child, I used to worship christmas.
Then as a teenager, I hated it. I thought it was commercial with all those glitters & lies.
Now I don't even know. It's like reality is nothing faced to dreams, and dreams nothing faced to reality.

I thought it was all fake. But now I hear laughs. I see tears with joy. I hear music & bells. I can feel happiness & the christmas spirit inside my veins. Is it bad ? Is this real ?
All I know is how to pretend to be, until I believe it so much that I wouldn't tell the difference. I guess this is what people call growing-up.

If we are living in a fake world, full of unreachable fantasies, then I wonder : is it not christmas everyday ?

The Little Red Fox - Life & Death of Shelly Whitmore

"Ne sois pas si bête, bête, bête
Serre-moi plus fort, et plus fort encore
Ne t'en fais pas, ne crains rien de moi
Car tu es encore une petite fille pour moi

Photo by Andrea Jankovic

Il croyait vraiment qu'il était le plus malin
Mais heureusement, il n'en était rien
Un soir de vacances, qu'il m'accompagnait
Moi je l'ai pris, oui dans mes bras
En lui disant Chéri, crois-moi

Ne sois pas si bête, bête, bête
Serre-moi plus fort, et plus fort encore
Ne t'en fais pas, ne crains rien de moi
Car tu es encore un petit garçon pour moi"

 

J'aimerai vous conter l'histoire de la jeune et envoutante Shelly Whitmore. Elle était l'une de ces beautés étranges, si singulière qu'au milieu d'une foule on ne pouvait voir qu'elle. Trop grande et affublée de tenues colorées, de motifs extravagants et d'un surplus de peau apparente, elle était méprisée de ses camarades et punie par ses professeurs. Je ne vous cacherai pas qu'elle était tout pour moi mais que je ne fus qu'une distraction dans sa vie de frivolité et de jeux de dupes. Je crois bien être l'un des seuls à savoir à quoi elle ressemblait véritablement : un petit renard craintif dont la seule obsession était de combler un vide qu'elle ne remplirait jamais vraiment.

Et puis il arriva dans sa vie. C'était un homme de lettre, professeur émérite à l'université de Cambridge, toujours élégant et aimable, mais avec un je-ne-sais-quoi dans le regard qui trahissait une âme torturée. Elle l'aima avec tant de fougue que j'avais la conviction qu'elle pourrait mourir pour lui. Et de quelque façon que l'on puisse imaginer, cela arriva.

J'aime à penser qu'elle était sorcière. De celles qui dansent et chantent pieds nus sous les arbres près des rivières. J'ai cru la voir, un soir, entre chien et loup, se mouvoir au dessus de l'eau. Lévitait-elle ou était-ce mon admiration pour elle qui me faisait délirer? Malgré tout, un seul mystère persistera toujours à mes yeux. Quand on retrouva Shelly sur le bord de la route, sans vie, il y avait un énorme chien auprès d'elle et certains témoins jurèrent l'avoir vu un instant avec une queue de renard.

Dans sa main à demi-ouverte, il y avait une note griffonnée dont les mots restent à jamais gravés dans ma mémoire : "Tu ne m'attraperas jamais".