Pourquoi je ne ferai pas de financement participatif

J’ai créé un jeu de rôle. Ça s’appelle Happy Together. On y joue des personnages du quotidien qui passent du bon temps ensemble, malgré les aléas de la vie. Aujourd’hui, la plupart des auteurs de manuels de jeux de rôle passent par le biais de financements participatifs. Puisque c’est une question que l’on me pose souvent et que l’on va probablement continuer de me la poser, j’aimerai prendre le temps d’exposer ici pourquoi je ne le ferai pas.

Créer, c’est compliqué

J’ai toujours été quelqu’un de créatif. Je suis fasciné par les histoires. Mais j’ai toujours eu beaucoup de mal à créer, ou du tout du moins à terminer mes créations. Je cumule un nombre important de projets non terminés qui me pèsent. Avec le temps, j’en ai pris conscience et j’ai revu mes ambitions à la baisse. J’essaie de trouver du plaisir dans l’accomplissement de petites choses, avec l’espoir qu’au fur et à mesure, je puisse revoir mes ambitions à la hausse. De ce fait, ma priorité actuelle est avant tout que mes projets voient le jour. Or, s’engager dans un financement participatif, c’est rajouter beaucoup de complexité là où c’est déjà difficile pour moi.

Je ne publie pas un jeu de rôle ou un univers, mais un manuel pour faire du jeu de rôle

J’ai passé des heures à créer Happy Together. Des heures à réfléchir, concevoir, tester, maquetter, relire, communiquer… J’ai testé le jeu de nombreuses fois et il a été testé par d’autres en vue de l’améliorer. J’ai reçu de très bons retours à son propos. Le jeu en lui-même est terminé. Je pourrais le transmettre oralement, ou par le biais d’une vidéo. Le jeu existe déjà et j’en suis fier. Ce jeu, il a pour but de produire des parties, qui j’espère seront agréables et enrichissantes pour les joueurs. Il n’a besoin de rien d’autres que de ses règles pour y parvenir. Le reste serait superficiel. J’ai travaillé pour que la maquette du manuel soit la plus ergonomique possible, sans fioritures, sans illustrations, juste les règles. Un format d’environ 40 pages, en format poche, couverture couleur et intérieur noir & blanc. Qu’il soit en PDF ou en livre papier, on pourra le lire rapidement, le mettre sur son smartphone ou dans son sac et jouer où l’on veut. Grâce à Lulu, un site qui permet l’impression à la demande, le jeu aura un stock illimité et le format poche garantit un prix abordable pour tout un chacun, qui plus est lors des nombreuses périodes dans l’année où les frais de port y sont gratuits.

J’ai déjà des financements en cours

Je ne vais pas vous le cacher, j’ai déjà des financements participatifs en cours, pas en jeu de rôle, mais sur des projets audio-visuels. Bien que ce soit des projets collectifs, j’en prends une part importante de responsabilité et il me serait mal venu de demander de nouveau à mes amis et connaissances de soutenir financièrement un projet sans savoir si celui-ci verra bien le jour.

Par ailleurs, ces expériences m’ont convaincus que le financement participatif n’était actuellement pas pour moi, tant il me prive de ma liberté créative quand je dois observer des promesses tandis que ma façon de créer et de voir le monde évolue.

Je ne fais pas un manuel de jeu de rôle seulement pour les rôlistes

J’ai bien conscience qu’aujourd’hui, un jeu de rôle comme Happy Together, contemporain et abordant des thématiques de la vie quotidienne a peu de chance d’être populaire parmi les rôlistes actuels. Et pour cause, le jeu de rôle baigne depuis sa naissance dans les mondes de l’imaginaire et l’idée de jouer notre quotidien semble être un frein majeur pour beaucoup qui recherchent dans ce loisir une manière de s’échapper de notre monde si cruel. Pourtant, la littérature, le cinéma et les séries regorgent de succès critiques et populaires qui dépeignent des personnages à priori ordinaires dans notre monde – ou tout du moins, dans une vision de notre monde contemporain. Une tradition qui a à mon sens prive le jeu de rôle d’une part conséquente de la population. Il pourrait pourtant apporter énormément à notre société, et pas seulement comme pur divertissement.

Ainsi, se lancer dans un financement participatif dans le but par exemple d’améliorer la qualité du livre, ajouter des illustrations ou proposer des goodies, me semble plutôt incohérent dans ma démarche. J’aurais pu éventuellement me lancer pour débloquer un budget de communication ou de distribution pour permettre de diffuser plus largement le jeu. Ce n’est pas quelque chose que j’exclue à long terme, si les autres raisons exposées ici viennent à évoluer.

Je n’ai pas le temps (et donc pas d’argent)

Je suis photographe indépendant. Je réalise principalement des reportages de mariage. C’est une activité saisonnière mais qui me prend énormément de temps. Si l’hiver est souvent plus calme, environ 6 mois de mon année est extrêmement prise pour cette activité qui me permet essentiellement d’avoir un toit et de quoi manger à ma faim.

J’ai également fais le choix d’avoir une vie la plus équilibrée possible entre ma vie personnelle, professionnelle et créative. Je suis prêt à accepter ponctuellement de déséquilibrer la balance, tant que c’est sur une période définie et pour un projet précis. A vrai dire, ma balance est déjà déséquilibrée, ma vie oscille actuellement entre vie professionnelle et créative, au détriment de ma vie personnelle. Il n’est donc pas question pour moi de me déséquilibrer encore davantage en prenant trop de temps pour ma vie créative, tant que celle-ci ne pourra me garantir des revenus stables et réguliers.

Un financement participatif, c’est énormément de temps à préparer, communiquer, puis produire les choses qui ont été promises. C’est aussi beaucoup de responsabilité et de stress. C’est quelque chose que je vis déjà au travers de mon entreprise, je ne suis pas encore prêt à le subir pour mon activité d’auteur de jeux.

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Vous l’avez compris, pour toutes ces raisons, je ne ferai pas appel à un financement participatif pour Happy Together. Je ne dis pas que c’est la meilleure décision, mais c’est celle que j’ai prise et qui me semble la plus cohérente avec ma démarche actuelle.

La maquette du jeu est actuellement en relecture et test d’impression et j’espère le sortir au printemps 2017 en PDF et en impression à la demande sur Lulu.com. Par ailleurs, je travaille déjà depuis longtemps sur le jeu suivant, Imaginarium, dans lequel on incarne des enfants se retrouvant dans un monde imaginaire inspiré de Narnia, A la Croisée des Mondes ou encore Peter Pan, qui lui profitera peut être d’un financement participatif, qui sait ?