Dans cet article, j’aimerai tenter de définir une façon de jouer au jeu de rôle, une pratique, que j’aime particulièrement mais sur laquelle je n’ai jamais eu de mots jusque là pour en parler clairement. Cette définition n’a pas pour but d’exclure ou de critiquer les autres pratiques. Elle a pour but de réfléchir à ma façon de jouer et concevoir du jeu de rôle, savoir reconnaître ce qui me plait particulièrement, théoriser des concepts pour imaginer de nouvelles façons d’aller dans ce sens. J’ai à coeur de partager ces réflexions car je pense que d’autres peuvent s’y reconnaître et s’en emparer.
Définition
Cette pratique, je l’ai nommé “jouer en drama”. Il s’agit de se focaliser dans une partie de jeu de rôle ou dans la conception d’un jeu, à l’émergence et au développement d’un ou plusieurs de ces éléments :
- Les relations entre les personnages
- Les motivations des personnages
- Le développement intérieur et social des personnages
Les relations entre les personnages, ce sont les liens qu’entretiennent les personnages entre eux, qu’ils soient PJ (Personnages-Joueurs/Joueuses) ou PNJ (Personnage Non Joueur/Joueuse). Il peut s’agir de liens familiaux, amicaux, amoureux, hiérarchiques, de rivalité, de haine… (liste non exhaustive). Jouer particulièrement sur les relations, c’est décrire et jouer ces relations, les faire se développer ou changer, les malmener, les faire disparaître même pourquoi pas.
Les motivations des personnages, c’est ce qui pousse les protagonistes à avancer dans leur histoire. Là aussi, elles peuvent être mis à l’épreuve, changer, se développer ou disparaître.
Le développement intérieur des personnages est souvent intimement lié à leurs motivations. Il s’agit de s’intéresser à la façon dont les protagonistes évoluent psychologiquement, comment ils changent au travers des événements qui surviennent, et socialement, quand ils changent de statut au sein de la ou des sociétés dans lesquelles ils évoluent.
Ce que font les joueurs et les joueuses
Valentin T. propose cette grille de lecture pour différencier des façons de jouer en drama lors d’une partie de jeu de rôle :
1. La forme gonzo. On s'amuse à voir nos personnages dans des situations riches en situations interpersonnelles improbables. On renchérit sur ce que disent les autres, on cherche à mettre les personnages en maximum drama, on les envoie se crasher avec joie.
2. La forme référentielle. On s'amuse à voir nos personnages dans des situations dignes des séries ou des films. On reproduit les codes des séries, on campe des personnages archétypaux.
3. La forme ludique. On utilise la trame des relations interpersonnelles pour essayer d'accomplir nos objectifs fictionnels. On manipule les autres joueurs, on appuie sur la toile de relations pour faire avancer nos intérêts.
4. La forme tragique/care. On essaie de limiter les problèmes interpersonnels des gens. En fonction de la nature des problèmes, ils peuvent être insolubles et orienter vers une fiction tragique, ou au contraire présenter des solutions et orienter vers une fiction qui porte sur le care.
5. La forme périphérique. Le drama vient ajouter quelque chose à une forme de jeu déja existante. Par exemple, il faut composer avec les problèmes interpersonnels dans un jeu d'enquête pour arriver à trouver le coupable.
Le terme “Drama”
“Drama” est un terme polysémique qui peut créer de la confusion, mais il est utilisé dans la scène rôliste anglophone et de plus en plus en francophonie pour désigner une façon de jouer centrée sur les relations entre personnages, et parfois de façon plus ou moins exagérée (correspondant à la forme Gonzo vue plus haut). Créer un nouveau terme semblait plutôt mal venu alors que celui-ci s’impose de plus en plus et est donc très parlant.
Ce terme n’est pas à confondre avec les dramas , des séries audio-visuelles (souvent coréennes ou japonaises) possédant leurs codes propres, mais qui souvent mettent une emphase sur les relations entre les personnages et en particulier des relations amoureuses.
Il n’est encore moins à confondre avec le drame, qui possède de nombreuses définitions selon le domaine (littérature, théâtre, cinéma…).
Le choix de ce terme et plus largement le contenu de cet article est issue d’une réflexion sur le serveur Discord des Courants Alternatifs. Je remercie chaleureusement les participant-e-s qui ont grandement enrichi mes réflexions et m’ont ainsi permis d’écrire cet article.