Coven - Mini-nouvelles - #01 à #03

Je me suis lancé récemment le défi d’écrire des mini-nouvelles. Elles prennent place dans Coven, un univers de ma création. Je ne cherche pas la qualité, mais avant tout l’entraînement, le plaisir et l’envie de concrétiser mon univers. Je vous le partage, d’abord parce que ça pourrait peut être vous plaire, mais aussi pour recueillir vos retours constructifs afin d’améliorer mon écriture et la cohérence de Coven. Merci de prendre le temps de me lire et de me faire des retours, ça me touche beaucoup !

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#01

Trente élèves studieuses. Trente élèves tapotant mécaniquement sur des écrans bombés dont la surface s’enfonçait légèrement à chaque appui, comme une pression dans du miel. Trente élèves rédigeant soigneusement le moindre mot de la professeure qui dictait d’une voix monocorde la leçon du jour. Elles avaient déposé sur sa chaise un mélange de boue, de crachats et de sang menstruel. Elzie s’était résignée à s’asseoir, une fois encore. Elle entendait les rires à peine étouffés de ses camarades de classe qui furent stoppés net par un regard autoritaire de la professeure. Elzie tapotait sur son écran comme les autres, mais ce qu’elle y écrivait n’avait plus de sens. Les lettres et les symboles s'enchaînaient comme autant de souillures dans sa jeune vie absurde. Ses cheveux d’un blanc de nacre et sa pâleur trahissait ses origines sylphes. Le cristal de quarz qui pendait à son cou était à peine visible sur sa peau diaphane. Elle pouvait comme sentir le regard de dégoût que lui inspirait les autres filles, des filaments d’énergies sombres qui la traversait de part en part, cherchant à ternir son coeur. Une telle vague de noirceur atteignit alors ses limites. Les lettrines affichées sur son ordinateur organique mutèrent soudainement pour se transformer en minces filaments végétaux. La police à présent vivante se fraya un chemin à travers le magma liquide qui composait la surface de l’écran jusqu’à former des saillies. Fermement, à mesure que la vie trouve son chemin, de petites pouces végétales émergèrent et en quelques secondes devinrent des plantes et des fleurs qui transperçait le bois du pupitre. Le cristal d’Elzie se remplit de noirceur tel de l’encre de chine se mélangeant avec du lait, incapable de contenir cette souffrance. La professeure vint jusqu’au pupitre d’Elzie dans une démarche ridicule qui traduisait sa fureur.

“Miss Temple ! Veuillez cesser immédiatement cette mascarade ! Miss Temple, dois-je vous rappeler que nous acceptons uniquement la présence de votre espèce dans la mesure où vous ne faites pas démonstration de vos… diableries ?!”. Mais Elzie, même si elle le voulait, ne pouvait contenir un tel pouvoir. Paniquée, elle se leva, révélant la fiente collé sur son postérieur et provoquant l’hilarité générale. Un tapis de mousse commençait à se former sous ses pieds. Impuissante, elle quitta la salle de classe tandis que la professeure ramenait le silence. Elle courait maintenant, à perdre haleine, sans se rendre compte que le couloir interminable qu’elle traversait se muait en un chaos végétal qui atteignait jusqu’au plafond et qui brisait les carreaux des fenêtres.

A l’intérieur, le calme était revenu.

Vingt-neuf élèves studieuses. Vingt-neufs élèves tapotant mécaniquement sur des écrans bombés…

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#02

Le dirigeable de la police royale perdait de l’altitude. La peinture rouge flamboyante se refléta sur la surface de la Tamise quelques secondes avant d’y plonger. Entre les immeubles virevoltait un gigantesque cafard, couleur ténèbres, avec quatre paires d’yeux rouges composés et deux ailes déployées qui battaient l’air. Il alla se poser au beau milieu d’une avenue, provoquant la panique dans ce quartier bondé à cette heure de la journée. Se frayant un chemin à travers les honnêtes gens qui fuyaient, Vertiline et Elzie se dirigeaient vers l’esprit corrompu.

“ -Waw, qu’est-ce que c’est que ça ? s’écriait Elzie pour surpasser les cris de panique.

-C’est un hybride, répondit Vertiline qui sortait déjà son épée bardée de cristaux colorés. Je ressens beaucoup de tristesse, et de peur.

-Je me demande quelle tristesse a bien pu créer un esprit si énorme ! Est-ce que tu as vu quelque chose ?

-Oui. Des femmes, beaucoup d’amour. Je ne comprends pas.”

En attendant de comprendre ce que signifiait la vision de Vertiline, il fallait agir pour protéger la population. Les deux adolescentes s’élancèrent vers le monstre qui détruisait tout sur son passage. Elzie enserra les pattes de l’animal grâce à sa magie végétale tandis que Vertiline, préssentant à l’avance les attaques du cafard, lui assénait des coups d’épées. Quelques instants plus tard, trois paires d’yeux avaient disparus de la tête de l’insecte. Il était à présent suffisamment affaibli pour se laisser lire. Vertiline se concentra pour percevoir clairement les énergies qui le parcourait. Un flot d’énergies très concentrées parvenait de l’extérieur. Il suffisait alors de suivre le fil pour en trouver la source. Le cafard profita de ce moment de répit et mobilisa ses dernières forces spirituelles pour se lancer à la poursuite d’une femme qui tenait dans ses bras un bébé. Elle l’avait enlevé de son berceau quelques secondes auparavant pour tenter de se mettre à l’abri dans un immeuble.

“ Elzie ! Trouve l’ancre ! Je m’occupe de lui !”

Elzie s’élança derrière l’esprit, laissant au passage davantage de végétation tropicale pour  ralentir la bête. Elle voyait très clairement le flot des énergies et suiva le fil jusqu’à un quartier complètement délabré, pourtant à quelques encablures du faste de la haute ville. Le souffle court, elle arriva dans une ruelle sombre où le fil semblait mener. Elle s’approcha prudemment. Dans une benne pleine d’ordures, dans des linges encore blancs, une douzaine de nourrissons gisaient là, abandonnés, noyés de larmes. De leur petit corps boudinés dégoulinaient des énergies si pures et si torturées à la fois. Elzie tomba à genou, paralysée par les émotions. Elle trouva tout de même la force de sortir de son sac plusieurs petites pierres de jade, qu’elle déposa  ensuite sur le front des enfants. Elle tendit sa main vers eux, se concentra. De minces filaments blanc et noir en spirales sortaient doucement et se transféraient dans les cristaux.

Vertiline, interposé entre le cafard et les innocents, fermait les yeux, se préparant à se faire dévorer. Mais rien ne se passa. Quand elle rouvrit enfin les yeux, l’insecte avait retrouvé une taille plus modeste et luisait de mille couleurs. Il déploya ses ailes et rejoignit plusieurs autres esprits apaisés dans les hauteurs. Elle se retourna et en voyant le regard compatissant de la femme qu’elle avait sauvé, serrant fort dans ses bras son enfant, elle comprit le sens de sa vision.

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#03

Du liquide pourpre se répandait sous la surface translucide de son organext. L’appareil circulaire semblable à une grande montre à gousset, battait la chamade. Mahulda l’avait programmé pour la mener à la naissance d’une sorcière. La zone rouge lui indiquait la position sur la carte organique. Elle n’était plus très loin. La voiture s’arrêta brusquement. Le chauffeur la regarda d’un air désolé. La portière s’ouvrit.

“Madame, veuillez sortir du véhicule”. Mahulda reconnut très vite l’insigne de l’inquisition royale sur le pourpoint de l’officier. Elle sortit sans rien dire, attendant de voir à qui elle aurait à faire. A quelques pas se tenait un homme d’une large stature, les cheveux et la barbe blanche, la moustache en guidon, l’uniforme réglementaire des hauts gradés.

“Fouillez-là, ordonna-t-il, tout en regardant les alentours”

L’officier fouilla son sac, puis répandit son contenu sur la route végétale. Des bougies, des herbes et des cristaux se déversèrent sur le gazon. Le maréchal s’avança.

“ Nous nous doutions que votre espèce reviendrait en ville, lacha-t-il avec dédain. Mais je ne m’attendais pas à tomber sur Madame trouble-fête. Qu’est-ce que vous...

-Maréchal St John, coupa Mahulda, ce n’est pas le moment de faire surgir les vieilles rancoeurs, je dois absolument aider…

-Il n’est pas question que vous aidiez quique ce soit. Vous êtes en état d’arrestation.

-Et pour quel crime ? s’écria Mahulda

-Vous le savez très bien, madame, ne faites pas l’innocente. Votre existence même est une hérésie.

-Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites ! Vous condamnez une enfant !

-Bien au contraire, nous empêchons que vous puissiez exercer votre influence démoniaque sur des innocentes. Embarquez là !

-Vous n’avez pas le droit !

-Détrompez-vous, déclara-t-il en s’approchant tout près d’elle.  J’ai tous les droits. Ordre de Sa Majesté.”

Alors que l’officier la conduisait violemment dans la voiture du Maréchal, il s’arrêta net. Ils virent alors tout trois le manoir du bout de la rue qui s’embrasai soudainement, laissant échapper une fumée noire qui dessinait des volutes dans le ciel. De la bâtisse en flammes sortit une jeune femme. De son corps frêle émergèrent des flammes qui calcinèrent les arbres tout autour d’elle. Quand elle se calma enfin, elle tomba à genou dans l’allée, contemplant les ruines du manoir en pleurant et en gémissant.

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